par Laurent Mercier (Endurance-Info.com)
Bernard Ollivier a de quoi être un homme heureux. Alors que fin 2014 Alpine n’a encore rien à vendre, le président de la marque dieppoise peut se satisfaire d’avoir deux titres européens en LM P2 dans son escarcelle avec Signatech-Alpine, sans oublier un podium de catégorie aux 24 Heures du Mans. La présence d’Alpine est bien ancrée en Endurance et il n’y a pas de raison pour que ça change. L’association avec Philippe Sinault fait mouche, si bien que Signatech-Alpine ambitionne de passer sur la scène mondiale afin de fédérer un maximum autour de la marque dans le monde entier avant la sortie de la Berlinette du XXIème siècle. Entretien avec un patron d’Alpine heureux et confiant…
« Je passe mes journées à dire que la compétition coule dans les veines d’Alpine. On se rapproche du lancement de la Berlinette du XXIème siècle. La sortie de l’auto est prévue pour 2016 et tout suit normalement son cours. Alors pourquoi faire de la compétition quand on ne vend rien ? L’engagement d’Alpine sert à communiquer sur la marque, aussi bien en France qu’en dehors. Les clients connaissent le palmarès d’Alpine en compétition. Tout le monde sait qu’Alpine est le petit qui a gagné contre les grands. En Allemagne, on sait qu’Alpine a battu Porsche. Il nous faut aussi parler de la marque dans les pays lointains, notamment au Japon. Il y a de nouveaux marchés qui sont à étudier de près : Chine, Russie, etc… Alpine doit être capable de revendiquer des titres. Je veux des titres ! C’est dans la culture d’Alpine. Voilà le cahier des charges. Nos prévisions de ventes en Asie sont de l’ordre de 30%. »
« Bien sûr que non ! A titre d’exemple, l’Allemagne est un gros enjeu pour nous. C’est le premier marché sur les voitures de sport. On a une carte à jouer. Il faut que notre Berlinette rentre dans la marque et pas l’inverse. Dans quatre ans, les clients devront dire : « j’ai acheté une Alpine et pas une Berlinette. ».
Pourquoi l’Endurance ?
« L’Endurance est une discipline ultra-moderne. C’est celle qui s’impose pour Alpine. La marque a été lancée il y a bientôt 60 ans. Malgré cela, Alpine reste une marque citoyenne et moderne. On cherche à donner du plaisir sans avoir à rouler à des vitesses élevées. Les valeurs de l’Endurance nous correspondent parfaitement. Cette année marquait le 17ème engagement d’une Alpine aux 24 Heures du Mans. En 1972, Alpine a gagné les 96 Heures du Nürburgring. Il y avait une seule Alpine, qui plus est privée, et elle a gagné. Les techniciens ont pris des vacances pour suivre l’auto pilotée par Jean-Luc Thérier. »
« Nous n’irons pas nous-mêmes en rallye. Une Alpine ne gagne plus en rallye, une Porsche non plus. Si nos clients le demandent, alors pourquoi pas. »
Alpine a vocation à aller en LM P1 ?
« A l’heure actuelle, ce n’est pas raisonnable. Tout est une histoire de coût. On ne peut pas aller au-delà de nos moyens et on reste une petite marque. Nous n’avons pas besoin d’aller en LM P1 pour valoriser notre envie de gagner. »
« Pourquoi pas… Il faut trouver le bon moment pour y aller sachant que le marché asiatique est très important pour Alpine. »
Quel sera l’engagement d’Alpine en 2015 ?
« Je tiens d’abord à rappeler que nous aurions dû débuter en 2014 et non 2013. L’année passée s’est transformée par un titre européen alors que nous avons roulé sur un effet de circonstance et une opportunité. Pour 2015, nous allons déjà voir si notre auto est encore capable de gagner. La décision finale n’est pas encore prise. La voiture est encore compétitive, et ce malgré l’arrivée de nouvelles autos. La saison 2015 devra être aussi brillante que 2014. Il convient aussi de rappeler que la 7ème place décrochée reste la deuxième meilleure performance d’une Alpine aux 24 Heures du Mans après la victoire de 1978. »
« C’est injuste de dire que ce n’est qu’une ORECA peinte en bleue. La toute première Alpine M63 était déjà un patchwork avec des bouts de plusieurs autos. Jean Rédélé était quelqu’un de pragmatique. Nous, on applique le même traitement. On se concentre à faire une belle auto. La peinture bleue ne fait pas aller l’Alpine A450b plus vite. Alpine est une marque de proximité. C’est le cas depuis l’époque du rallye. Il y a un côté modestie et simplicité. C’est la même chose en Endurance. »
A quand Alpine en GT ?
« Le premier sujet est l’auto de route. Ensuite, nous verrons… J’ai du mal à penser qu’à moyen terme Alpine ne sera pas au Mans. Nous verrons aussi ce que va être le futur de la catégorie GT. L’Alpine n’a pas la taille d’une Ferrari. C’est une auto appropriable. Pour le GT, on regarde sans aller plus loin. Chaque chose en son temps. En revanche, pourquoi pas mettre en place une coupe mono-marque. »
« Les titres sont importants et il ne faut pas brouiller l’image de la marque. Pourquoi pas voir une Alpine engagée par une équipe privée mais on a des exigences. Pour 2015, le couple Signatech-Alpine fonctionne parfaitement et il n’y pas raison que ça change. Le travail réalisé avec Philippe Sinault et son équipe est parfait. »
L’équipage actuel sera reconduit ?
« Les pilotes doivent porter le plus haut possible la marque Alpine. Jean Rédélé a donné sa chance à beaucoup de jeunes pilotes. Il a fait des paris qui ont été payants. Si un jour Nelson (Panciatici) et Paul-Loup (Chatin) devaient être pris par un constructeur LM P1, alors nous serions ravis. »
« Alpine n’a jamais été un motoriste. Pour cela, on a eu Gordini. J’ai été à l’origine de Renault Sport Technologies. Nous avons récupéré le titre F3 en 2001 avec un moteur Renault. Qu’est ce que cela nous a apporté d’être motoriste ? Motoriste est un métier difficile. On parle avant tout de l’équipe avant le moteur. Alpine n’a pas la culture de faire des moteurs puissants. »
Quel est votre avis sur la Renault R.S. 01 ?
« Elle porte les attributs de Renault et RS. C’est la griffe Renault Sport. Ce n’est pas une Alpine. »
Il pourrait tout de même y avoir un lien avec le prix de fin de saison avec un volant en LM P2 au Mans pour le meilleur gentleman ?
« C’est une possibilité. Cependant, il ne faut pas mélanger les genres. L’Alpine est bien bleue et pas jaune. Chacun son domaine. Alpine-Renault, c’est terminé… Le projet Berlinette regroupe 120 personnes. Chez Alpine, on veut faire une auto pour les passionnés qui ne recherchent pas seulement la performance. C’est une fierté pour nous car nous avons réussi à faire une association entre Alpine et modernité. On se doit de surprendre et être là où les gens ne nous attendent pas… »