par Laurent Mercier (Endurance-Info.com)
Véritable monument du sport automobile, Guy Ligier n’en demeure pas moins un passionné à l’état pur, même à près de 86 ans. Chaque week-end de course, il scrute les résultats des différentes Ligier qui roulent autour du monde. Le Vichyssois a jeté son dévolu depuis plusieurs décennies sur Magny-Cours si bien que même en retraite il y réside toujours. Il ne se passe pas une journée sans que l’ancien patron d’écurie, par ailleurs constructeur, ne vienne faire son tour à l’atelier qui jouxte la maison de son ami Tico Martini et s’asseoir dans son bureau situé au 1er étage. Lors de l’essai de la Ligier JS 53 EVO 2, Guy Ligier nous a reçu dans les locaux d’Onroak Automotive où sont construits les CN et bientôt les LM P3. Le poster jauni montrant deux Ligier-Gitanes (signé par Jacques Laffite) au rez-de-chaussée traduit bien que nous sommes dans un lieu chargé d’histoire. Morceaux choisis d’une belle rencontre avec un Guy Ligier toujours capable de vous donner les résultats des autos qui portent son nom…
« Jacques a acheté l’une des premières JS49 et c’est à ce moment-là que nous avons fait connaissance. Une belle amitié s’est développée au fil du temps. Entre nous, il n’y a eu aucune question financière. C’est comme cela que je voyais les choses. Nous sommes tous les deux de vrais passionnés. A 85 ans, je suis ravi de voir que l’entreprise fonctionne toujours, et surtout qu’elle gagne toujours. C’est un grand plaisir pour moi et cela me permet de rester dans le coup (rires). »
La Ligier JS 53 EVO a encore évolué cette année…
« L’évolution aurait peut-être pu arriver plus tôt mais il fallait un peu de temps. C’est dans la logique des choses. La JS 53 EVO 2 a un bel avenir devant elle. La CN 2.0l a un très bon rapport prix/performance. C’est ce qui fait son succès depuis le début. Tous les pilotes sont unanimes sur le sujet. La JS 53 est réputée pour avoir une très bonne motricité, ce qui plaît aux gentlemen. Il faut trouver le juste milieu entre gentlemen et pilotes professionnels. La symbiose doit être parfaite, ce qui selon moi est le cas. Elle est facile pour les gentlemen et les professionnels doivent se cracher dans les mains pour aller chercher le dernier dixième. »
Vous avez vite fait confiance à Fred Mako pour le développement de la CN. Plutôt étonnant comme choix vu que Fred n’avait pas l’étiquette de pilote de prototype…
« Fred est avant tout un ami. A un moment, il est venu nous donner un coup de main puis il a continué avec nous tant que ses programmes ont pu lui permettre. J’ai vite vu en lui un pilote extraordinairement doué. Son gros avantage est d’être bon dans tous les domaines : pilotage, feedback technique, relation humaine. C’est quelqu’un de bien et surtout de très humble. C’est dur de trouver mieux et je suis vraiment ravi qu’il puisse être reconnu à sa juste valeur. Il a beaucoup aidé au développement des Ligier CN. Fred nous a conseillé Yann (Clairay) depuis qu’il est trop pris par ses autres activités. »
« C’était avant tout une question d’investissement. Il fallait trouver quelque chose dont le ratio était raisonnable. La Formule 3 était trop chère et le CN était un bon produit. De plus, d’autres continents s’ouvrent aux CN avec les Etats-Unis et l’Asie. Je pense que ce sont deux gros marchés. L’Asie est pour le moment habituée aux GT mais les choses devraient changer à l’avenir. »
La Ligier JS P2 connaît elle aussi un franc succès plusieurs décennies après la JS2…
« Là aussi c’est une très belle satisfaction de voir que les Ligier brillent autour du monde. J’espère qu’elle va remporter sa catégorie aux 24 Heures du Mans, 40 ans après la deuxième place de la JS2 partagée par Jean-Louis Lafosse et Guy Chasseuil. Il nous avait manqué un seul tour pour l’emporter. J’ai beaucoup aimé la monoplace qui a occupé une grande partie de ma vie, mais l’Endurance a aussi toujours eu une grande place. La discipline nous a permis d’investir. Qu’est ce qui restait à part la Formule 1 ? A cette époque, je n’avais pas les moyens de suivre en F1 et c’est pour cette raison que l’équipe est allée en Endurance. La JS 2 était initialement en GT mais il fallait en construire 500. Elle est passée ensuite en prototype avec son moteur Maserati où elle est allée titiller les Porsche et Lancia. Pourtant, la JS2 n’était pas faite pour Le Mans. Après l’arrivée des 24 Heures du Mans 1975, Jack Ickx a confié que sa Mirage était à l’agonie. Peut-être que nous aurions pu pousser un peu plus…
« C’est vraiment bien que le nom Ligier soit toujours en pointe. Lorsque la marque a été relancée en Endurance, nous avons reçu des messages de soutien du monde entier. Il y a beaucoup de fans aux 24 Heures du Mans. Il y a toujours eu de vrais supporters dans la Sarthe. Je suis heureux car les voitures gagnent. »
« Pour aller en LM P1, il faut beaucoup de moyens. Pour un team privé, c’est impossible de gagner. Onroak Automotive est tout à fait capable de construire une bonne LM P1, mais pour rivaliser avec les constructeurs cela demanderait beaucoup trop d’argent. La catégorie LM P3 permet d’avoir une vraie filière de l’Endurance pour gravir les échelons. Je pense qu’elle est promise à un bel avenir et je suis impatient de voir la JS P3. »
« Là il va falloir beaucoup de temps pour traiter le sujet des pilotes (rires). Jacques Laffite a forcément fait partie des incontournables car il est dans la famille Ligier. Il est resté fidèle au fil des années. Finalement, il n’y a eu que très peu de pilotes étrangers avec notamment Andrea De Cesaris, Thierry Boutsen ou encore Martin Brundle. C’est assez marrant de voir qu’Alex, le fils de Martin, était l’un des pilotes de développement de la Ligier JS P2. »
Le sport automobile a toujours un avenir en France ?
« L’arrêt de la publicité des boissons alcoolisées et des cigarettiers a mis à mal le sponsoring en sport automobile. Sans eux, les pilotes sans budget ne pouvaient plus rien espérer. On ne peut pas dire que l’on soit dans un pays qui favorise le sport automobile. Cependant, le sport automobile a toujours été une histoire de cycle. On mange le pain noir en espérant que le pain blanc revienne dans quelques années. On ne peut pas détruire comme cela l’automobile. »
Un grand merci à Guy Ligier pour son accueil et sa disponibilité
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