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    vendredi 31 mai 2013

    Endurance ; COHABITATION PRO/AM, OÙ EST LE JUSTE ÉQUILIBRE ?


    Si vous tapez « gentleman driver » sur Wikipedia, vous arriverez à l'article « pay driver ». On en déduit donc qu'un gentleman driver paie son baquet, ce qui est vrai. Maintenant est-ce que payer permet d'avoir accès à tout ? La situation économique n'aidant pas, l'Endurance ne vit que grâce aux gentlemen. Les constructeurs sont là mais on sait qu'ils sont versatiles à l'exception d'Audi. Les gentlemen paient, achètent les autos mais ce n'est pourtant pas ce qui empêche les fans d'être pour le moins agressifs à leur encontre. On passera sur le fait que c'est toujours plus facile de critiquer devant son clavier que derrière un volant. Il suffit de lire les forums pour comprendre que les gentlemen sont souvent décriés, notamment suite aux deux accidents vus aux 24 Heures du Mans 2011 et 2012. A deux reprises, on a frôlé la correctionnelle dans la Sarthe. Pourtant ils seront encore nombreux à rouler dans quelques semaines sur le double tour d'horloge sarthois. Ne nous trompons pas de cible car qui dit gentleman ne veut pas dire danger public sachant que les professionnels ne sont pas exempts d'erreurs. Il est toujours plus facile de critiquer un non professionnel. On va avoir du respect pour une équipe de football amateur qui perdrait contre une équipe de Ligue 1 en finale d'une Coupe de France. Certes les enjeux sont loin d'être les mêmes car à ce que l'on sache, un footballeur a peu de chance de perdre la vie sur un terrain. Un Pro qui touche un Am, c'est un fait de course, l'inverse étant le plus souvent considéré comme une erreur de pilotage. Chaque cas doit être analysé. Pierre Fillon se plait à rappeler à raison lors de chaque conférence de presse, Le Mans a toujours été fait de professionnels et d'amateurs. Pour régler le problème, une catégorisation de pilotes a été mise en place, celle-ci respectant un tas de critères dont les résultats en course. On ne veut surtout pas prendre la place de Vincent Beaumesnil à l'ACO pour établir cette catégorisation où il doit y avoir de quoi s'arracher les cheveux par moment.

    On ne va pas se voiler la face en disant que certains pilotes pourraient avoir du mal à se qualifier cette année au Mans. Les rookies devront d'abord effectuer les dix tours réglementaires avant de rentrer dans les bons pourcentages lors des essais qualificatifs. Dans le cas contraire, c'est un retour à la maison puisqu'il n'est prévu aucune dérogation, exception faite d'une sortie de piste pour un pilote confirmé qui n'aurait pas bouclé ses tours. Va-t-on pour autant vers une élimination de pilotes à l'issue des qualifications, rien n'est moins sûr... Il faudra rentrer dans les 120% de la moyenne des trois meilleurs tours réalisés par trois autos de marque différente et 110% du meilleur tour réalisé par la voiture la plus rapide de son groupe. On se souvient qu'en 2012, un certain Quick a été évincé dès la Journée Test car il n'était pas assez...quick.

    Ironie du sort, les gentlemen roulent de plus en plus puisqu'ils liment le bitume plusieurs fois par mois : championnats GT nationaux, Blancpain Endurance Series, International GT Open, European Le Mans Series, FIA WEC, etc... L'arrivée des GT3 a permis de faire venir de plus en plus de gentlemen, ces autos étant initialement prévues pour eux. Depuis 2006, la donne a bien changé, ces GT3 étant devenues de vraies bêtes de course. Le championnat Blancpain a lavé son linge sale en famille durant l'hiver pour mettre en place une nouvelle catégorisation de pilotes qui semble ravir tout le monde, d'où une présence des Pro-Cup en hausse. L'ADAC GT Masters s'y perd un peu, le British GT fait dans le pur Pro-Am et la FFSA n'a toujours pas réglé le problème d'un championnat GT où des pilotes « B » sont systématiquement plus vite que des « A ». On sait bien que l'équilibre n'est pas facile à trouver mais si l'on prend le cas du British GT, le promoteur n'a pas hésité à refuser deux équipages n'étant pas dans la mouvance Pro-Am. Par les temps qui courent, on peut dire que c'est osé mais le pari est réussi. On peut aussi équilibrer les forces en présence avec un handicap temps ou poids. La solution miracle n'existe pas sachant qu'il faut avoir à ses côtés le plus pro des gentlemen. On sait bien que certains pilotes ne sont pas faciles à classer. Il suffit de regarder quelques équipages roulant en LMP2 pour se convaincre qu'il n'est pas évident d'y trouver un gentleman sachant que le but est de se faire dégrader pour ne pas être classé trop haut. Un comble pour un sportif !

    Aucun championnat n'échappe aux gentlemen. Même la Formule 1 s'est essayée à quelques pilotes bien fortunés dans le passé. Pour en revenir au Mans, la solution miracle n'existe pas. Un pilote d'usine nous confiait il y a peu que lorsqu'il était en piste, il avait appris à faire attention à certaines autos. Il nous expliquait qu'il préférait perdre du temps à dépasser plutôt que de tenter une manœuvre périlleuse. Les Pro pestent contre les Am qui ne sont pas assez attentifs et les Am pestent contre les Pro qui ont un pilotage trop rugueux. Débarquer au Mans avec toute la pression qui va avec n'est pas chose facile car il s'agit de regarder aussi bien devant que derrière soi. Les Pro ont la pression du résultat et les Am celle de bien faire. A l'auto-école on apprend le partage de la route et sur un circuit le partage de la piste. Arriver au Mans sans avoir connu le trafic des LMP1 complique la donne. Tous les pilotes tiennent à accrocher cette course si fabuleuse à leur palmarès mais Le Mans est une vielle dame qui s'apprivoise. On ne veut surtout pas critiquer les gentlemen pour qui nous avons beaucoup trop de respect mais peut-être faudrait-il que le législateur durcisse les critères comme rendre obligatoire la participation à une course regroupant toutes les catégories. C'est arrivé à tout le monde sur la route de regarder dans son rétroviseur, de ne voir personne et subitement d'y voir avec stupéfaction un gros deux roues qui ne sort d'on ne sait où. Sur la piste, c'est la même chose avec des autos qui vous arrivent dessus à vive allure en dépassant le plus rapidement possible. Il faut faire face à un différentiel de vitesse mais aussi de pilotage. Les Etats-Unis ont trouvé une parade en condamnant d'une pénalité le pilote d'un prototype qui s'en prend malencontreusement à une GT. On en connaît qui ont perdu des courses suite à un drive through, d'où une retenue des pilotes dans le trafic. En FIA WEC, on n'hésite pas à exclure un pilote, si professionnel soit-il. Eduardo Freitas et son équipe veillent au grain...

    Nous l'avons dit, la recette miracle n'existe pas et le législateur ne l'a pas non plus. Le championnat Blancpain a trouvé une parade en instaurant une séance réservée aux Bronze le samedi matin. Cela permet de mieux appréhender la piste en roulant avec des pilotes de son rang. De plus, les jeunes pilotes ont été exclu de cette classification Bronze d'où une bien meilleure équité dans les trois classes. De plus, chaque pilote dispute sa propre qualification. L'association Pro-Am est incontournable en Endurance même si le côté néfaste de la chose fait que des pilotes professionnels restent sur le carreau. Une équipe préfèrera prendre les euros d'un gentleman fortuné qu'un CV long comme le bras. On l'a dit et répété, attention à ne pas trop mettre les gentlemen sur la touche sous peine de s'en mordre les doigts même s'il ne faut pas accepter n'importe quoi. On peut vous dresser une liste conséquente de pilotes classés gentlemen qui tiennent la cadence sans le moindre problème. Chacun sait que les 24 Heures du Mans restent une course bien différente des autres. La pression y est intense avec une course qui ne dure pas une journée mais une semaine complète. Pour les gentlemen Le Mans est un rêve, ce qui aussi le cas pour nous journalistes de même que les photographes et membres d'équipes. Tout le monde veut participer à cette épreuve si mythique, chacun dans son domaine de prédilection. On a tutoyé des drames à plusieurs reprises ces dernières années et on peut remercier la solidité des prototypes fermés. Les Allan McNish, Mike Rockenfeller, Anthony Davidson, Marc Gené et consorts s'en sortent à bon compte, tout comme Anthony Beltoise et Piergiuseppe Perazzini en GT.

    Il suffit de jeter un coup d'œil aux listes des engagés des 24 Heures du Mans des années 80 pour se rendre compte que les gentlemen étaient déjà bien nombreux et roulaient certainement moins qu'aujourd'hui tout au long de l'année. Et une Porsche 956 d'hier n'avait rien à envier à une Audi R18 d'aujourd'hui. Combien ont pris le départ sans avoir fait réellement leurs preuves auparavant ? Alors pourquoi ce qui était possible hier ne le serait-il pas aujourd'hui...

    Cet article relate juste l'avis d'un journaliste qui pensait lorsqu'il était gamin qu'il était facile de tenir un volant et de passer les vitesses sur un circuit qui en plus emprunte une route Nationale. Les Hunaudières sont quand même bien plus évidentes à plus de 300 km/h avec aucune chance de croiser le viseur d'un radar ni un quelconque usager arrivant face à vous qu'au volant d'une voiture de tourisme à 90 km/h. Hmmm, fausse réponse ! Un cayon et un carnet à la main sont bien mieux dans notre cas. Le seul problème est de tomber en panne d'encre, ce qui n'est dangereux en rien. Pour avoir eu la chance de faire un tour de la Nordschleife en compagnie de Pedro Lamy dans une voiture de série, on peut vous dire que ces pilotes ne sont pas des gens comme les autres. Pour avoir eu aussi la chance de faire un tour du tracé de Dijon dans une Corvette aux côtés de Luc Alphand, on peut aussi vous dire qu'un bon gentleman n'est pas non plus un conducteur comme tout le monde. Les pilotes professionnels restent des professionnels et on distingue plusieurs niveaux chez les gentlemen. Il va donc falloir trouver le juste équilibre, l'association Pro-Am permettant de faire progresser le Am au contact d'un Pro.

    Laurent Mercier (Endurance-Info)