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    samedi 7 mars 2015

    Endurance : Histoire de livrées et de couleurs, part 3…

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    par Guillaume Robert (Endurance-Info.com)
    Pour ce troisième volet de notre série, nous allons aborder le sujet de ceux qui osent. Une livrée, réussie ou non, fera toujours plus ou moins parler d’elle, avec les habituels pour et contre. On ne peux que constater que chaque année, certains ne prennent aucun risque et restent dans la continuité, en remettant légèrement au goût du jour la livrée de l’année précédente. C’est un choix qui parfois s’avère payant au yeux d’une partie du public, mais qui manque cruellement d’originalité auprès de l’autre partie de ce même public.
    Depuis plusieurs années quelques équipes ont bien compris que pour se démarquer, et se faire remarquer, il fallait oser ! Oser se montrer et bousculer quelque peu les habitudes, à l’image de l’écurie ORECA, qui pour son come-back dans la catégorie prototype en 2008 a posé sur la piste deux autos arborant une livrée “Mondrian”. Le défi était de taille, puisqu’il fallait réussir à marier les différents carrés colorés, si chers à l’artiste, aux courbes généreuses d’un prototype et surtout plaire au public !
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    Nous avons donc posé quelques questions à Jean-Philippe Eddaïkra, directeur marketing du groupe ORECA, qui a pu nous éclairer sur cette démarche réalisée par l’écurie Française.
    Pourquoi cette idée de livrée Mondrian ?
    “Pour le retour du Team ORECA en LM P1, en 2008, nous voulions un concept fort, et une identité forte. Nous voulions que ce concept corresponde à la fois aux valeurs des 24 Heures du Mans, telles que l’esprit festif et populaire ; du projet, à savoir un commando qui va à l’essentiel ; des partenaires, avec un aspect qualitatif et créatif, si possible en liant l’art au sportif. Logiquement, nous nous sommes dirigés vers ce qui s’approche d’une Art Car. Nous avons travaillé avec une agence qui a proposé l’idée de Mondrian. Cela rentrait dans notre logique, avec l’utilisation des couleurs primaires, des formes réduites, et une approche rigoureuse. En parallèle, cela répondait parfaitement au besoin de visibilité des partenaires, tant au niveau des espaces sur la voiture que par rapport à l’émergence de nos voitures vis-à-vis des autres. “
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    Est-ce complexe de mettre en place ce type de livrée, que ce soit sur l’auto, ou les “à côtés” (tenues de l’équipe, stand, camions, etc) ?
    “Le concept était novateur et ce n’était pas simple de passer du virtuel au réel. Ce sont des lignes très pures, qui ne sont pas faciles à adapter sur les formes d’une voiture telle qu’un Prototype Le Mans. Pas mal de personnes se sont creusées la tête pour y parvenir. Il fallait aussi que les ingénieurs, les mécanos adhèrent au concept. Tout cela a demandé quelques petits ajustements, notamment au moment de sticker les carrosseries ! Pour le reste, c’était moins compliqué. Nous avons réussi à avoir une certainement harmonie au niveau habillement et éléments de décoration. Après, il est vrai que nous devions assumer cette démarche jusqu’au bout !”
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    Quel a été l’accueil du public suite à cette démarche pour le moins originale ?
    “Le concept n’a pas laissé indifférent, c’est une certitude. Certaines personnes n’ont pas aimé, notamment parce que ça ne suivait pas les formes de l’auto. D’autres ont apprécié ce côté décalé, nouveau, avec une vraie émergence visuelle par rapport à nos concurrents. Il y avait un vrai effet « déco ORECA » à cette époque. Nous voulions faire réagir et ça a été le cas. Je me souviens de la présentation de la voiture et des pilotes : la décoration était l’un des grands sujets de discussion ! L’idée, c’était qu’on en parle et, de ce point de vue, je pense qu’on a réussi notre coup. Même plusieurs années après, beaucoup de gens nous reparle de la déco Mondrian. C’est la preuve qu’elle a marqué les esprits.”
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    Le concept a ensuite été décliné sur 2009 et 2010 avec la ORECA 01 puis la Peugeot 908 HDi FAP ?
    “Nous avions travaillé pour garder une continuité sur trois ans. 2009 était une déclinaison logique de 2008. Disons une évolution. Pour 2010, c’était différent avec la 908. Nous étions partis d’une idée un peu folle : et si Mondrian avait dû faire évoluer ou moderniser son art ? Nous n’avions pas la pression de répondre à la question, mais nous avons essayé, à notre niveau, de faire évoluer la déco. Le blanc a été remplacé par le gris-argent qui nous semblait plus moderne. Et cela répondait aux contraintes techniques au niveau du toit. Ensuite, nous avons essayé de rendre le tout assez dynamique, avec des formes moins cubiques.”
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     En compétition, une auto est un réel outil de communication, que ce soit pour l’équipe, ses partenaires, ou ceux des pilotes. Cette communication peux aussi aller directement toucher le public, de façon très simple, mais percutante. C’est ce qu’a effectué ORECA en 2010 en apposant sur le splitter avant de sa Peugeot 908 deux stickers “I love US Racing”.
    Pourquoi cette démarche des logos “I love US” sur les autos ?
    “Après la période Mondrian sur trois saisons, nous avons ouvert un nouveau chapitre. Nous devions trouver un autre concept, avec des paramètres plus ou moins communs. La logique était différente car la réflexion a été menée directement en interne et non par une agence. C’est un jeune créateur (Dav Crea) qui avait été charger d’appliquer nos souhaits. Nous voulions reprendre les couleurs ORECA et capitaliser sur l’image du Groupe. A cette époque, nous travaillions sur la refonte de notre charte graphique. C’est d’ailleurs à ce moment-là que nous avons fait apparaître pour la première fois l’étoile ORECA : c’était un aperçu de ce qui allait devenir notre blason à partir de 2012.”
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    Le début de saison à Sebring marquait notre retour aux USA. Nous voulions faire un clin d’œil aux USA, où le team avait connu tant de victoires avec la Viper. En interne, cela a laissé de grands souvenirs. Nous avons eu cette idée de slogan typique aux USA avec le cœur, et la phrase « French Team, American Way of Life ». C’est venu naturellement parce que cela nous correspondait. C’est peut-être ce côté naturel et intuitif qui a rendu la chose vraiment sympa. Tout le monde a adhéré très rapidement.”
    Le résultat espéré dans cette démarche a t-il été concluant et qu’a t-il apporté à ORECA ?
    “La démarche a certainement dépassé nos espérances. C’était un clin d’œil : nous espérions qu’il soit bien accueilli mais, soyons honnêtes, on ne pensait pas créer le buzz. Dès notre arrivée à Sebring, les gens sont venus nous voir, nous ont rappelé la période Viper, tout en nous remerciant pour cette petite attention. Tout au long de la semaine, les messages de soutien se sont multipliés. Et finalement, le clin d’œil est entré dans une autre dimension quand nous avons remporté les 12 Heures de Sebring. L’impact était tout de suite différent. Il y avait une résonance, au niveau sportif, de ce que nous avions entrepris au niveau identité.”
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    Le public américain a t-il été touché par ces logos et y a t-il eu des retours suite à cela ?
    “En fait, il y a eu des retours du public un peu avant, par messages, sur place, avec de nombreuses venus à notre structure, puis après naturellement. Je me souviens aussi d’une visite des pilotes dans le camping qui avait fait son effet. Je pense que les gens avaient aussi été surpris par la gentillesse des pilotes qui étaient super disponibles et qui profitaient de cette ambiance à l’américaine. Il y a eu aussi un vrai écho dans la presse américaine avec des titres du style « ORECA loves USA, and USA loves ORECA ». C’était très sympa et cela n’a fait que renforcer nos liens avec les américains.”
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    Comment gérez-vous la décoration de vos voitures en tant que constructeur ?
    “C’est quelque chose que nous avons dû apprendre au fil des années, puisque nous avions toujours eu à gérer cela en tant que team. Les contraintes et les objectifs sont différents, naturellement. Mais le sujet est tout aussi important : lorsque l’on se rapproche des grands constructeurs, il faut aussi être au niveau en termes d’images. Il y a encore quelques temps, on se contentait de présenter nos voitures avec des images CAO. Nous avons franchi un palier à l’horizon 2012-2013 en passant à la 3D, notamment avec GaazMaster Motorsport.
    Pour la ORECA 03, nous voulions un mélange de carbone et des couleurs d’ORECA, avec une déco qui mette en avant les formes de la voiture, tout en ayant un aspect “technologie “. Ce n’était pas évident mais le résultat a fait l’unanimité en interne et nous avons décliné la ORECA-FLM09 en conséquence.
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    Pour la nouvelle ORECA 05, nous sommes partis sur une logique différente. Nous voulions que la voiture s’exprime elle-même et c’est pourquoi nous avons choisi de la présenter dans une version minimaliste. Elle n’est pas brute de carbone sur les vues 3D, mais il y a simplement quelques petites artifices. Et finalement les formes parlent d’elles-mêmes. Avec GaazMaster, on a donc davantage travaillé sur le décor et là notre souhait était clair : les USA sont l’une de nos priorités donc il fallait que la voiture soit dans un environnement américain.
    Nos ingénieurs doivent toujours innover pour construire l’auto la plus performante et la plus fiable possible, capable de se battre face à la concurrence. A notre niveau, c’est pareil : nous devons trouver de nouvelles idées pour se démarquer, tout en essayant de se rapprocher d’une qualité digne d’un grand constructeur en termes de visuels.”

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